Évoluer avec l’Ennéagramme
Évoluer avec l’Ennéagramme est l’essence même de ce modèle.
S’il permet avant tout une connaissance de soi, et des mécanismes qui nous emprisonnent, sont objectif est de nous libérer de ces automatismes et gagner davantage de liberté.
L’Ennéagramme propose deux voies d’évolution à partir d’une configuration initiale. L’une spirituelle cherche à retrouver l’unité en transformation sa passion en vertu. L’autre psychologique cherche à mieux s’accepter et utiliser le potentiel du pentagramme de la configuration pour gagner en liberté comportementale.
Les deux voies sont naturellement liées, l’une ayant un effet d’entraînement sur l’autre. S’investir simultanément dans les deux crée une synergie qui optimise le chemin évolutif.
L'ÉVOLUTION EST-ELLE UNE NÉCESSITÉ ?
La tradition spirituelle de l’Ennéagramme souligne que la construction de l’ego est un enfermement souffrant, et qu’aucun épanouissement n’est possible sans un chemin évolutif qui libère de cet ego. Elle rejoint ainsi les spiritualités orientales et certaines idéologies new age qui affirment que notre seul salut est au-delà de la vie matérielle. Nous serions conduits, tôt ou tard, sans avoir vraiment le choix, à briser nos chaînes pour sortir de l’illusion dans laquelle nous emprisonne notre ego.
Cette voie spiritualiste est respectable, comme une autre. L’Ennéagramme propose parmi ses voies évolutives, un chemin qui va en ce sens. Cette nécessité évolutive, qui repose sur un postulat de notre nature essentiellement spirituelle, devient cependant dogmatique lorsqu’elle se pose comme l’unique vérité.
Le modèle de la Spirale Dynamique, proposé par Clare Graves, montre clairement que la vérité absolue est une étape importante dans l’évolution de l’humanité, qui appartient désormais au passé. Nous évoluons vers une conscience plus systémique, dans laquelle il n’y a plus de vérité absolue. Tout ce qui est fondé sur l’expérience et ne s’érige pas en dogme devient alors recevable. Le pragmatisme devient plus important que l’attachement à une vérité. Dans ce contexte, la spiritualité est une voie, et non plus LA voie.
De manière plus globale, évoluer est une possibilité, pas une nécessité. La psychologie moderne, avec la thérapie ACT, a montré que l’acceptation de notre réalité (intérieure et extérieure) est tout aussi important que la changer pour être plus heureux et plus libre.
Changer pour aller mieux n’est donc pas forcément évoluer dans le sens d’une transformation en profondeur. Ce peut-être aussi accepter notre réalité, et faire si besoin des aménagements, intérieurs et extérieurs, pour nous y adapter.
DEUX AXES POUR ÉVOLUER AVEC L’ENNÉAGRAMME
Il y a schématiquement deux axes permettant d’évoluer avec l’Ennéagramme, et dans chacun de ces axes, on peut distinguer deux voies,
1) L’axe psychologique
– La première voie psychologique est l’acceptation, de soi et des autres. Simple à dire, et pas si facile à faire. Elle n’est pas spécifique à l’Ennéagramme. Elle est grandement facilitée par la connaissance et l’intégration du modèle de l’Ennéagramme. C’est un chemin plus ou moins long selon chacun, toujours bénéfique pour accroître la paix en soi et avec les autres.
– La seconde voie psychologique est spécifique de l’Ennéagramme. Elle consiste à activer les différentes ressources de la configuration, c’est-à-dire les bases annexes du pentagramme.
2) L’axe spirituel
– La voie classique d’évolution spirituelle de l’Ennéagramme est le chemin qui conduit de l’enfermement dans son ego à l’essence qui ouvre d’autres potentialités. Riso & Hudson ont défini 9 niveaux pour chaque base et un axe évolutif progressif, spécifique à chaque base.
– La voie de l’éveil, connue principalement dans les traditions orientales, qui n’est pas spécifique à l’Ennéagramme, qui peut cependant servir de chemin dans cette quête.
Les quatre voies citées, synthétisées dans le schéma ci-dessous, font l’objet des paragraphes suivants.
ACCEPTER NOTRE RÉALITÉ ET CELLE DES AUTRES
Le premier objectif de l’Ennéagramme est d’abord de mieux nous connaître puis de mieux comprendre et accepter comment nous fonctionnons. Cela nous éclaire ce que nous vivons, et ce que nous faisons vivre aux autres. Nous devenons ainsi plus indulgents vis-à-vis de nous-même, lorsque nous voyons que dans certaines situations, notre automatisme comportemental ne nous laisse pas la liberté de faire autrement. Accepter cette réalité nous fait économiser beaucoup d’énergie en cessant de lutter contre nous-même, et cela nous permet d’être globalement plus détendus.
Le second objectif est de mieux comprendre les autres, et voir pourquoi ils réagissent différemment de nous sans pour autant avoir les intentions que nous leur portons quand nous les jugeons selon les critères de notre propre modèle. Par exemple, si dans mon modèle mentir est une faute absolue et le signe d’une profonde malhonnêteté, pour une autre personne ce peut-être arranger la réalité pour ne pas faire du mal à son entourage. Pourquoi une façon de faire serait-elle plus juste qu’une autre ?
De la même manière que pour nous-même, nous pouvons devenir plus indulgents avec les personnes de notre entourage qui ont une base différente de la nôtre. Ils font ce qu’ils peuvent avec leur modèle, comme nous faisons ce que nous pouvons avec le nôtre. Cela n’empêche pas d’exprimer ce qui nous blesse, mais en jugeant l’acte et non la personne. Ainsi, chacun peut évoluer pour améliorer les relations, et non plus pour se corriger en fonction d’une norme.
Avec une meilleure acceptation de soi et des autres, en intégrant que chacun est limité dans certains domaines et impuissant face à certaines difficultés, il est plus aisé de s’écouter, de s’adapter pour prendre davantage soin des autres, et de pouvoir coopérer.
LA VOIE PSYCHOLOGIQUE
Le versant psychologique de l’Ennéagramme décrit une configuration avec un pentagramme dans lequel 4 bases annexes viennent enrichir le potentiel de la base principale : deux ailes et deux directions.
Une meilleure utilisation de l’ensemble des bases actives permet une évolution notable du potentiel comportemental : davantage de possibilités (et donc de liberté), et une meilleure capacité à ne plus répéter automatiquement des comportements qui nous sont désavantageux.
1) Les ailes (bases contact)
Les ailes ne sont généralement pas considérées comme un mode évolutif, leur expression suivant passivement le niveau de la base principale.
Cependant, nous fonctionnons généralement avec une seule aile active, ou nettement plus active que l’autre. L’image d’un papillon essayant de voler avec une seule aile illustre ce qui se passe dans cette construction asymétrique : face aux difficultés récurrentes, nous tournons en rond…
Dans son approche Ennéagramme envolutif et le livre L’Ennéagramme : 9 types de personnalité pour mieux se connaître (page 76), Jean-Philippe Vidal propose une approche originale d’utilisation des deux ailes afin de s’engager dans un processus évolutif : les ailes conseillères. Confrontés à une difficulté pour laquelle nous tournons en rond, nous pouvons imaginer chacune de nos ailes comme un conseiller qui nous souffle à l’oreille. L’aile postérieure nous oriente vers une finalité constructive (vers l’extérieur) : quelle action pertinente m’aiderait à sortir de l’automatisme enfermant ? L’aile antérieure nous indique la ressource utile (à l’intérieur) : sur quelle ressource puis-je m’appuyer ? Quel état interne puis-je cultiver pour sortir de l’automatisme enfermant ?
Ressource intérieure : S’appuyer sur la capacité à lâcher prise et à se laisser porter | Exemple pour la base 1 | Finalité constructive : Prendre conscience que les actions |
C’est une suggestion, avec une technique simple, que nous pouvons expérimenter pour en évaluer la pertinence dès lors que nous connaissons notre configuration.
2) La direction entrante (base alliée)
La base reliée par la flèche entrante (qui va vers la base principale) dans le pentagramme apporte spontanément un potentiel nouveau quand nous sommes en situation favorable, cela permet d’activer le centre réprimé.
Quand nous sommes en difficulté, l’accès à ce potentiel se retire et le centre réprimé devient inopérant. Apprendre à réactiver ce lien quand nous sommes en difficulté est probablement la clef évolutive la plus efficace pour sortir de nos difficultés récurrentes. C’est difficile et cela semble au premier abord impossible. Cette faculté peut s’acquérir par un apprentissage patient et persévérant.
Exemple pour | Direction entrante : base 7 Trouver de la légèreté et de la détente en voyant les choses du bon côté, plutôt que se focaliser sur ce qui ne va pas |
3) La direction sortante (ombre)
Spontanément, la dynamique de cette base vers laquelle va le sens des flèches s’active dans ses aspects défavorables quand nous sommes enfermés dans notre difficulté, et que cela nous met en état de stress. C’est la raison pour laquelle nous n’aimons pas cette dynamique et que nous la percevons comme notre ombre vers laquelle nous ne nous pouvons pas nous empêcher de glisser quand nous sommes dépassés par une situation que nous ne savons pas gérer.
Cette base directionnelle, dans son aspect évolué, contient cependant notre trésor, caché derrière notre ombre. Ses qualités nous apparaissent totalement inaccessibles et ne suscitent aucune envie, puisqu’elle nous demande de traverser notre ombre voir sa face cachée. Et pourtant, développer cet aspect serait pour nous un véritable saut évolutif. Nous ne pouvons avancer dans ce sens que lorsque nous allons bien, et quand nous allons bien, nous n’avons aucune envie d’aller voir ce qui se cache derrière notre ombre !
Exemple pour | Direction sortante : base 4 Acceptation de soi et de la différence des autres en reconnaissant l’unicité de chacun |
4) Évoluer par la voie psychologique en pratique
Il s’agit avant tout d’apprendre à connaître notre pentagramme, d’intégrer que nos bases annexes portent un potentiel qui nous est accessible, et de mettre en place un programme d’apprentissage pour les contacter et développer ces nouveaux potentiels dans les contextes où ils nous sont bénéfiques.
LA VOIE SPIRITUELLE
La voie évolutive du point de vue spirituel a été décrite de manière précise par Riso & Hudson dans La sagesse de L’Ennéagramme.
Il est décrit neuf niveaux évolutifs, allant d’un repli total sur l’ego qui ne voit le monde qu’à travers lui-même (niveau 9), vers un épanouissement total en retrouvant son essence qui permet d’exprimer toutes les qualités de la base sans être enfermé dans ses automatismes inconscients.
Dans les états proches de l’ego, nous sommes perturbés, réactifs, émotionnellement bloqués, incapables de gérer notre stress. Plus précisément :
– Notre liberté se restreint, et nous sommes identifiés aux mécanismes de notre personnalité qui nous dominent.
– Nous devenons de moins en moins capables d’être en contact avec la réalité.
– Nous ne savons pas évaluer avec justesse notre situation.
– Nous sommes prisonniers des compulsions de notre construction.
Dans un état proche de l’essence : nous sommes ouverts, équilibrés, stables et capables de gérer notre stress. Plus précisément :
– Nous sommes libres des contraintes exercées par les structures de notre personnalité, les habitudes et mécanismes automatiques de notre construction.
– Nous sommes alors libres de vivre le moment présent.
– Nous sommes connectés à la réalité.
– Nous pouvons choisir d’agir avec des qualités essentielles (sagesse, force, compassion etc.).
Notre niveau habituel moyen, ou centre de gravité évolutif, dépend en grande partie des conditions de notre enfance. Plus l’environnement de jeunesse est délétère, plus la peur et les défenses associées se sont installées en nous et plus les ressources pour nous adapter sont limitées et rigides. Alors notre échelle évolutive tend à se stabiliser dans les niveaux bas.
Le centre de gravité évolutif est relativement stable : nous pouvons dans une même journée descendre (en situation de stress) ou monter (détendu et centré) de 1 à 3 niveaux, depuis ce niveau d’équilibre, avec des comportements qui changent de manière réversible.
Notre centre de gravité n’évolue pas spontanément au cours de l’existence, sauf dans deux circonstances :
– Suite à une crise majeure (qui peut conduire à une élévation ou une chute).
– Suite à un travail de transformation soutenu.
Lorsque le centre de gravité se déplace durablement vers le haut, nous nous désidentifions et voyons clairement nos anciens comportements limités, et les compensations auxquelles nous étions identifiés.
Lorsqu’il se déplace vers le bas, des signaux précoces nous indiquent que nous sommes en train de tomber dans des comportements dysfonctionnels.
Le détail de l’échelle évolutive de Riso & Hudson est expliqué dans la première vidéo, avec l’exemple de la base 9 en illustration dans la suivante.
L’ENNÉAGRAMME COMME VOIE D’ÉVEIL SPIRITUEL ?
Dans son concept initial, l’Ennéagramme décrit un cycle qui part de l’essence avec la complétude, s’incarne dans le monde en construisant un ego enfermé dans ses limites et cherchant à se préserver, avec un chemin évolutif qui ouvre la voie du retour à l’essence.
On y retrouve en le message des spiritualités orientales (hindouisme, bouddhisme…), qui parlent d’éveil pour décrire le retour à l’essence.
L’Ennéagramme comme voie d’éveil est développé par Eli Jaxon-Bear dans L’Ennéagramme spirituel. L’auteur, initié à l’Ennéagramme, a également suivi un enseignement spirituel de la tradition indienne.
L’éveil spirituel dont parlent certains enseignements et qui motivent de nombreux prétendants à suivre un chemin de pratiques assidues est un idéal qui semble exceptionnellement atteint par ceux qui le désirent, alors que d’autres comme Ekkart Tolle le reçoivent sans vraiment l’avoir recherché.
Chercher l’éveil spirituel avec l’Ennéagramme risque de conduire à se focaliser sur un objectif trop élevé, et négliger tout un travail psychologique dont les bénéfices sont bien plus accessibles. C’est aussi se donner l’illusion de s’élever, avec un déni sur des mécanismes psychologiques limitants qui sont toujours présents et ne résolvent pas par ce cheminement. Si un certain éveil doit se produire, il est plus probable qu’il se présente spontanément en faisant toute notre part sur ce qui nous est accessible, plutôt qu’à l’issue d’une quête qui le cherche à tout prix.
LES OUTILS POUR ÉVOLUER AVEC L’ENNÉAGRAMME
En laissant de côté l’éveil spirituel, pour les raisons évoquées au paragraphe précédent, les trois autres voies décrites : acceptation, activation des ressources, et cheminement évolutif de la dynamique comportementale (compulsion passion…), peuvent être accompagnés avec divers outils :
– Auto-observation ciblée sur certains comportements passés.
– Auto-observation des comportements présents, au départ a posteriori, puis dans un délai de plus en plus en court, jusqu’à pouvoir en être conscient au moment où ils se déroulent.
– Démarche d’acceptation, si besoin, sur les bases de la thérapie ACT.
– Conscientisation du pentagramme et des ressources activables par les bases annexes.
– Exercices physiques ou psychocorporels permettant de développer les ressources latentes de la base.
– Élixirs floraux (fleurs de Bach et autres) associés à des formulations de type « mantra » pour aider certaines transformations comportementales, notamment de la passion vers la vertu.
– Métanoïa : poser des challenges accessibles afin de faire différemment des automatismes prédéterminés. Aller « au-delà de nous-même » par des comportements choisis. En développant l’apprentissage de ces nouveaux comportements, nous intégrons de nouvelles ressources à notre potentiel.
Voir : proposition d’accompagnement individuel avec l’Ennéagramme
La vidéo ci-dessous expose diverses voies évolutives proposées pour la base 2 :
L'ACCOMPAGNEMENT ÉVOLUTIF : ATTENTION AUX DÉRIVES
Le rejet de l’Ennéagramme par la MIVILUDES en France, considéré comme une méthode psychologisante, est associé à une condamnation du développement personnel quand il utilise d’autres méthodes que celles validées par la science.
Il y a dans cette attitude un manque d’ouverture et un désir inavoué mais bien réel de formater la population selon le dogme scientifique rationnel et matérialiste de la science actuelle. Sans tomber dans cet excès, nous pouvons être attentifs aux dérives qui existent réellement dans le développement personnel.
Ces dérives ne sont pas le fait de la méthode enseignée ou utilisée en thérapie, mais du positionnement d’enseignants ou de thérapeutes. LA dérive est la conséquence de l’utilisation d’une position de pouvoir, face à une personne en demande d’aide, pour l’entraîner vers des croyances fermées sans respecter les siennes.
Pour éviter cela, rappelons simplement que l’Ennéagramme est un modèle qui peut nous aider si nous nous reconnaissons vraiment dans une configuration, et qu’il n’est pas une vérité qui peut être plaquée par un simple pouvoir de persuasion. Lorsque cette reconnaissance n’a pas lieu, ou que le chemin proposé ne convient pas, alors l’Ennéagramme doit être oublié pour passer à une autre approche.