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La relation, pierre angulaire du soin

Sommaire

La relation est, selon mon expérience, la pierre angulaire du soin, en psychothérapie, et pas uniquement.
Si la relation de soin est majoritairement déterminée par des actes, techniques et/ou utilisation d’outils, le travail est indissociable de l’habileté relationnelle et des compétences en communication nécessaires à s’approprier.

La relation est complexe

Lorsque nous rentrons en relation, nous échangeons une multitude d’informations à divers niveaux et sommes engagés entièrement avec notre corps dans une complexité de paroles, d’attitudes, d’affectivité, d’intention et dans une intrication de facteurs physiques, psychologiques, sociaux.
Cette rencontre entre deux personnes aux histoires singulières va trouver son sens dans le contexte dans lequel elle s’inscrit. S’il n’est pas nécessaire de créer des liens d’amitié avec la personne soignée et/ou accompagnée, l’attention et l’intérêt que nous lui portons est un préalable indispensable.

La relation révèle

Notre affectivité et notre intention sont à l’œuvre, souvent derrière le rideau de notre conscience, pour créer, fonder, souder, nouer, ou défaire les relations.
Dans la relation, notre attitude dit des choses, y compris celles que l’on voudrait ne pas dire, elle véhicule notamment notre état interne et nos présuppositions. Au-delà des mots, notre attitude parle au risque de contredire nos propos. Alors l’incohérence entre le verbal et le non verbal peut venir brouiller les pistes et semer le doute, compromettant le résultat thérapeutique.

La relation : un espace à créer

La relation de qualité propose un « espace transitionnel » (Winnicott) où les possibles sont mobilisés pour que se déploient dans ce lieu les conditions de la guérison dans une rencontre authentique et engagée. Cet espace transitionnel se situe entre l’autre et soi tout en étant commun aux deux.

Savoir faire et savoir être : tout un Art

Qu’en est-il des outils, des techniques ? Ce sont des savoir-faire certes utiles mais limités dans ce sens où l’outil est un moyen aux mains d’un artisan qui maîtrise son Art…ou pas ! Tout l’Art est dans la relation et dans le « savoir-être » et le « savoir-être avec » dans une confiance durable. Pour reprendre Heidegger « l’outil n’est efficace que dans la stricte mesure où il se fait oublier ».

Une diversité utile et maîtrisée

Pour reprendre la métaphore de l’arc proposée dans l’article précédent, il conviendrait que l’archer ait plusieurs cordes à son arc, car « pour qui ne possède qu’un marteau, tout problème ressemble à un clou » phrase attribuée à Maslow, ainsi qu’à Watzlawick. En allant plus loin le marteau peut aussi servir à assommer. Fait-il incriminer le marteau ? On voit alors qu’établir une relation de confiance s’avère être un préalable nécessaire notamment quand l’outil est potentiellement puissant (personne n’a envie de se faire assommer). Et cela s’apprend pour Accompagner et Guider de manière élégante.

La place de la relation dans le soin

Si la relation et la communication sont des données fondamentales en psychothérapie, elles sont un peu les laissées pour compte des soins médicaux. Pourtant, toutes les théories et la clinique démontrent que l’alliance thérapeutique représente le plus puissant levier du changement. L’effet thérapeutique ne passe ni strictement par la parole ni uniquement par le corps mais est contenu dans la substance de la relation et des interactions. Ici, nous sommes dans cet espace co-créé, au cœur de la subjectivité et du potentiel humain. Néanmoins, cette subjectivité nécessite une précision et une rigueur quant au cadre, aux objectifs, et aux moyens utilisés dont le thérapeute se porte garant, au sein d’un contexte professionnel et objectivable.

Les deux exemples suivants illustrent le rôle déterminant, bénéfique ou néfaste, de la relation dans le résultat global d’un accompagnement.

Premier exemple : une intervention trop technique

Je venais de terminer une formation intitulée « PNL et addictions », et je ressentais une « toute puissance » (grâce à la technique) à résoudre facilement les comportements addictifs. A ce moment-là, mon positionnement s’inscrivait dans la résolution d’un problème et non dans la prise en compte d’une personne : le regard sur le symptôme et non sur la globalité de la personne et la qualité interactionnelle.
Une cliente arrive avec une « addiction au chocolat ». Elle présente cette difficulté comme majeure pour elle, et très gênante dans sa vie quotidienne. Je me centre sur le problème et lui affirme qu’on peut en venir à bout « vite fait bien fait ». Elle semble totalement OK. Je réalise la technique sur elle (j’agis, pas de co création), et elle repart….
Je n’ai pas cherché autre chose que de répondre immédiatement à sa demande. Je ne me suis pas centrée sur la qualité relationnelle ni cherché à explorer l’intention positive qu’elle avait à consommer du chocolat de manière compulsive et excessive.
Quinze jours après, elle revient, manifestement assez énervée et elle me dit « votre truc, ça a marché, c’est vraiment redoutable ! ». Et je ne l’ai jamais revue…
En effet, la technique avait été redoutable d’efficacité. Mais manifestement, la demande était ailleurs ; demande que la qualité relationnelle aurait permis de faire émerger dans la confiance et le temps consacré à l’écoute/vision globale du problème exposé.
J’ai compris par l’expérience, et pas seulement intellectuellement, comment le problème est une solution (pour la partie de la personne qui le met en œuvre) dont il vaut mieux parfois ne pas se débarrasser immédiatement.

Second exemple : ne pas confondre empathie et sympathie

Je reçois une personne qui présente une situation de vie et une manière de fonctionner dans lesquelles je me reconnais. Ces points communs entre elle et moi m’amènent à ressentir de la sympathie et un jeu d’identification et de projection se met en place. Ces processus inconscients la plupart du temps agissent comme des filtres. Si la relation thérapeutique nécessite de l’empathie, la sympathie entraine une proximité affective dans laquelle contagion et confusion empêchent une posture juste et un positionnement aidant.
Prenant conscience de cette identification, j’ai pu m’adapter rapidement et me repositionner dans l’interaction et respectant le cadre de la relation. En appliquant alors les « outils » de la communication que j’avais appris : conscience externe, reformulation, questions ouvertes, empathie… (1) j’ai pu favoriser l’alliance thérapeutique nécessaire pour créer les conditions du changement, et me dégager de la limite dans laquelle je m’étais engagée.

notes

[1] Empathie : mécanisme psychologique par lequel une personne peut « comprendre » les sentiments et les émotions d’une autre, sans les ressentir elle-même. Le cadre du « comme si » est fondamental pour ne pas tomber dans le processus d’identification…

Commentaire

  1. Un point de vue particulièrement éclairant, qui concerne, certes, le monde psy, mais qui s’applique aussi bien au médical, dans une approche globale.
    Si l’on sortait de cette stupide séparation entre le biologique et le psychologique, qui se concrétise entre le médical et le psychothérapeutique, la médecine s’enrichirait avantageusement de deux grandes avancées réussies par la psychothérapie : le développement d’un savoir faire dans la relation qui optimise le résultat global de l’accompagnement, et la supervision des praticiens qui sont forcément, un jour ou l’autre, confrontés à des problèmes relationnels ou à de fortes résonances internes préjudiciables à leur stratégie de soin.

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