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Historique de la psychosomatique (2ème partie) : biologie

Psychosomatique et accompagnement thérapeutique (3)

Sommaire

Historique de la psychosomatique du côté de la biologie

ll n’y a pas que les psychanalystes qui se sont intéressés à la psychosomatique ! L’historique de la psychosomatique a aussi son versant biologique avec l’émergence de la théorie du stress.
Les travaux de Hans SELYE sur le stress (dès 1928) montrent l’implication psychosomatique du stress : les systèmes neurovégétatif et endocrinien sont impliqués. Le stress joue un rôle dans l’incidence des maladies.
Henri LABORIT s’est intéressé, du point de vue biologique, à une forme particulière de stress qui ne suit pas le schéma classique de Hans SELYE et qui survient face à un évènement traumatique qui n’offre ni la possibilité de fuir, ni celle de combattre. C’est l’inhibition de l’action. L’énergie adaptative mobilisée par la déstabilisation face à l’événement, agit de manière perverse sur les fonctions biologiques favorisant dans un premier temps divers troubles fonctionnels. Ces derniers ouvrent une porte aux maladies chroniques et au cancer.

Intérêt : Les recherches en psychosomatiques intéressent les biologistes, particulièrement sous l’angle des modifications physiologiques, les maladies psychosomatiques deviennent des maladies de l’adaptation.

Le système nerveux en question

D’un point de vue physiologique il y aurait 2 formes de manifestations psychosomatiques distinctes :
– L’une emprunte la voie du système nerveux parasympathique et concerne les muscles lisses et involontaires. Ils tapissent la paroi des différents organes. Les pathologies concernées par cette voie provoquent des lésions organiques. L’origine semble archaïque et concerne les besoins primaires et les premières périodes de la vie, bien avant la génitalité.
– L’autre emprunte la voie du système nerveux sympathique, et concerne les muscles striés, soumis à la volonté. L’exemple est la névrose hystérique, avec ses grandes paralysies et son hyperexpressivité somatique. On parle de conversion hystérique. Selon Françoise DOLTO, ces troubles concernent des blessures narcissiques moins anciennes que les troubles psychosomatiques du circuit précédent (parasympathique), et ont un lien avec la période génitale.
De nos jours, les conversions hystériques régressent alors que les troubles psychosomatiques sont en augmentation (allergies, hypertension, ulcères…). Ils seraient l’écho de mémoires anciennes, et de refoulements émotionnels.

Intérêt : des liens « biologie/psychologie » sont tentés même s’ils paraissent parfois (selon les croyances des uns et des autres) tirés par les cheveux.

Psychosomatique : le retour !

Nous avons vu dans l’historique de la psychosomatique que l’engouement a décliné après 1950. Les observations ne pouvant être prouvées scientifiquement, et les excès idéologiques des uns et des autres n’ont pas aidé à inscrire ce mouvement dans le monde médical.
L’approche aurait pu tomber en désuétude, c’était sans compter sur Ryke Geerd HAMER, médecin allemand qui stipule, dès 1981, que tout cancer est le résultat d’un choc psychologique, conflictuel et vécu dans l’isolement. Lui-même a vécu cette expérience suite à la mort accidentelle de son fils. A partir de son vécu, il se lance dans des recherches auprès de personnes atteintes de cancers. Il fonde la Nouvelle Médecine Germanique. Son originalité est qu’il se réfère à des processus physiologiques précis qu’il relie aux observations symboliques qui font sens. A l’instar de GRODDECK, il postule l’influence du psychisme comme déterminant. Selon lui, la résolution des conflits psychiques suffit à la guérison. Certains patients croient au miracle du tout psychologique, arrêtent leurs traitements, et face à ces dérives et aux problèmes médicaux qui peuvent se poser, HAMER est discrédité et rejeté par ses pairs. De nombreux thérapeutes non médecins s’inscrivent dans la lignée, fondant leurs approches qui dérivent parfois malheureusement vers une idéologie simpliste : décodage psychobiologique des maladies, Métamédicine, Biologie Totale … Les principes de sa médecine peuvent être, selon HAMER, enseignés en 2 jours !
Il n’en reste pas moins que HAMER a relaté de nombreux succès thérapeutiques, qui sont peut-être liés davantage à sa force de persuasion qu’à sa théorie. L’effet du sens est extrêmement puissant : lorsque patient et thérapeute sont persuadés de la guérison, alors l’effet placebo décuple l’ampleur de l’effet thérapeutique. Malheureusement, les cas sont nombreux aussi de patients qui sont persuadés qu’ils n’ont pas réussi à guérir parce qu’ils n’ont pas été capables de résoudre le conflit émotionnel à l’origine du cancer. La culpabilité se rajoute au poids de la maladie !

Intérêt : les liens que Hamer a pu faire entre des processus physiologiques et les aspects symboliques des cancers. Ils restent non retenus par la communauté scientifique et encensés par ses disciples.

À propos du cancer : encore et encore des hypothèse

Le lien ente psychisme et cancer a été évoqué par de nombreux auteurs, et ceci bien avant HAMER !
– GALIEN disait déjà que les femmes mélancoliques étaient sujettes au cancer du sein.
– En 1528 pour PAYNELL : « le cancer est causé par une humeur mélancolique ».
– GENDRON (1701) : « les cancers sont dus à des arrêts brutaux d’évènements, des frayeurs, de violents chagrins ou des stases intempestives du sang ».
– Selon MICHEL MOIROT médecin français (1974), il existerait : « une tendance autodestructive latente chez un sujet mal conditionné au point de vue affectif, et qui se trouve subitement rejeté de la société où il a été élevé ».
– En 1980, Lawrence LE SHAN stipule qu’il existe une relation entre la survenue d’un évènement important et le développement d’une tumeur. Seulement, il est difficile de faire un lien de causalité.
– Jean GUIR (1983) propose d’expliquer le cancer à travers l’histoire du sujet. On retrouverait ces 3 éléments :
✓ séparation d’avec un être cher dans l’enfance
✓ séparation douloureuse se répétant ou se rappelant au sujet par un jeu de signifiants particuliers
✓ apparition de la lésion
Selon cet auteur il y a des évènements signifiants : date (anniversaires par ex), localisation de la lésion ayant un sens symbolique, la maladie apparaît au moment d’une perte ou rupture qui affecte l’identité.
La solution trouvée par le corps est la lésion comme issue de secours.
– Pour Denise MOREL (1984) : « l’individu en mal d’être se met à somatiser, à exprimer par son corps ce que son psychisme n’arrive pas à mettre en mots. La maladie est quelque chose qui parle et qui demande à être soigné. Il nous est demandé d’entendre cet appel au secours car le sujet n’a pas volontairement fabriqué ce dont il souffre, même tout au loin, dans son inconscient, il y prend une part active ».
– Pour David SERVAN SCHREIBER (2010), les caractéristiques des terrains à développer des cancers sont : « des personnes qui ne se sont pas senties pleinement accueillies dans leur enfance. Leurs parents ont pu être violents ou coléreux ou froids, distants et exigeants. Ces enfants ont reçu peu d’encouragements et développé un sentiment de vulnérabilité ou de faiblesse.
Par la suite, pour être sûrs d’être aimés, ils se sont conformés à ce qu’on attendait d’eux plutôt que de suivre leurs propres penchants. Ils deviennent des adultes qui se mettent rarement en colère, ils sont toujours prêts à aider les autres, évitent les conflits ». Cette description est proche des personnalités de type C.

Intérêt : comme maladie bio-psycho-environnementale on voit que le cancer a une représentation (sociale et individuelle) particulièrement forte. On cherche encore et toujours…

Finalement, les récits des personnes malades sont-ils à prendre comme des vérités absolues dont il faudrait tirer des lois générales ou en faire des théories globalisantes ? Je pense que ces récits sont des liens construits dans leur réalité subjective, comme tentative de donner sens et cohérence à ce qu’elles doivent affronter. La dérive est certainement de faire d’un cas une généralité, et d’une observation une loi générale. Ces interprétations empêchent ce qui me parait le plus utile et aidant : considérer les propos de l’autre comme une réalité, la sienne, qu’il convient d’accueillir, d’entendre, et d’utiliser dans la bienveillance et le respect de sa demande.

Tentative d’objectivation au sein de la subjectivité

De nombreuses études, notamment en psychologie de la santé, tentent d’explorer scientifiquement la relation entre des facteurs psychologiques et la santé. Il est très difficile de prouver comment cette relation agit et dans quelle intensité. La composante psychologique d’un cancer pour une personne qui a été au contact de produits chimiques est peut-être négligeable. Pour d’autres, elle sera plus évidente peut-être… Faudra-t-il focaliser sur une influence psychologique chez une enfant présentant une puberté précoce alors que les perturbateurs endocriniens envahissent notre environnement ? Ou encore quelle est la part psychologique si je bois de l’eau polluée et que j’attrape une bonne « turista » ?
Des facteurs « psy » sont certes impliqués, et corrélés. Par exemple, les émotions, le stress et les conflits psychologiques sont des facteurs déclenchants de certaines affections, mais les avis sont plus partagés sur le rôle particulier du psychisme. Il est fréquent de catégoriser l’asthme, l’eczéma et les autres affections cutanées comme psychosomatiques. L’interprétation est parfois excessive : l’eczéma du nourrisson illustrerait un manque affectif, les soins de peau appelleraient les caresses. L’asthme quant à lui serait provoqué par un attachement excessif à la mère…
Restons prudent sur les interprétations : l’ulcère gastrique ne faisait aucun doute quant à son origine psychosomatique. Or, récemment, l’implication d’une bactérie (Helicobacter pylori) dans l’ulcère et l’efficacité du traitement antibiotique renvoient la psychosomatique à la révision de ses chères études.

L’interaction c’est dans les deux sens !

Quand on parle de psychosomatique on pense essentiellement à l’influence du psychisme sur le corps, et on oublie la relation inverse. Or, elle est tout aussi importante. Récemment, plusieurs études ont montré ainsi qu’après un infarctus, un tiers des malades manifestent des symptômes dépressifs. En retour, la présence de la dépression semble accroître considérablement le risque de décès dans les mois qui suivent l’infarctus.
La question reste entière : qui de la poule ou de l’œuf a commencé ? En théorie on peut en discuter, étudier, chercher. Et finalement, en pratique, sur « le terrain » est-ce une question bien utile à (se) poser ?

Une voie de guérison : Construire des ponts plutôt que des murs

A mon sens, la pathologie relève de la séparation au sens large : séparation de soi avec soi, de soi avec l’autre, de soi avec ses ressources, de soi avec l’environnement, de soi avec la nature de soi avec le divin… La guérison serait plutôt du côté de la relation, de la « re-liaison ». (Se) relier, coopérer, harmoniser, (se) réconcilier, (se) reconnecter… autant de voies relationnelles favorables aux êtres à orientation sociales que nous sommes.
Sans la relation, la vie de l’Homme est simplement impossible, et s’il y survit, elle peut devenir invivable. Une jolie illustration en est faite dans le film « Seul au monde », le « nouveau Robinson » échoué sur une île désertique, crée un autre que lui (faute de Vendredi), à partir d’un ballon. « Wilson », son seul compagnon d’infortune lui permettra de rester relié et de ne pas sombrer.

Le sens de l’Humain : Un Etre de relations

Les problématiques relationnelles sont souvent impliquées dans l’émergence d’un trouble. Une expérience relationnelle corrective, au cours des thérapies, pourrait-elle favoriser la guérison ? Je le crois. C’est par la relation que se joue la guérison.

Conclusion

Aucune validation scientifique n’a pu prouver le chainon manquant : comment se fait le lien psychosomatique ? Les considérations sont symboliques, et même si le lien nous paraît évident, restons prudents et rigoureux. La psychosomatique reste une hypothèse parmi d’autres. Elle demande à être retenue et prise en compte car elle est évidente bien souvent dans la pratique clinique, dans le discours des patients.
Dans une approche biopsychosociale, multifactorielle, le facteur psychologique est un des facteurs, mais on ne peut pas précisément’en connaître le poids.
Il est facile d’affirmer, et difficile de prouver. Attention aux affirmations péremptoires et autres interprétations généralisantes : «  les charlatans sont en fait des personnes mal formées et mal informées qui croient être bien formées et bien informées et qui, du coup, le font croire aux autres. Tous les charlatans ne sont pas mal intentionnés. Ils sont même souvent de bonne foi, totalement aveuglés par leurs croyances. On en trouve dans toutes les pratiques de soin. On en rencontre dans toutes les relations d’aide. Ainsi, celui qui souhaite exercer une fonction thérapeutique devrait avoir l’humilité de douter et de se questionner. Sans cesse il devrait vérifier la qualité de sa formation, et sans relâche, éprouver la véracité de ses informations » [1] .

Rérérences

[1] Thierry Jansen : La maladie a-t-elle un sens, Fayard 2008

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